jeudi 31 octobre 2013

Upsilon Scorpii, Marie Modiano, l'Arbalète, Gallimard


"Nous ne pouvons donc rien l'un pour l'autre, chacun d'un côté de la barrière... Je m'éloigne, en longeant les rails dans le sens inverse."

   Ce premier roman de Marie Modiano donne la sensation d'un rêve éveillé. Il se passe dans une ville, un pays que l'on semble reconnaître mais dont les noms de lieux ne se réfèrent à rien de réel. La narratrice habite une grande ville, fréquente le café des Berceuses, longe la Cathédrale des Anges, se rend à la gare d'Orient et tente de retrouver son petit ami Freddie dans "les Gardeuses", une région montagneuse de ce pays imaginaire. La monnaie en cours est la nimbe, sensée auréoler le quotidien, elle est plutôt source d'angoisse quand il faut aller l’acquérir par un travail sporadique (des lectures de pièces sur la radio d'Etat) ou plus harassant (à la ferme de Mr et Mme Jouvier). Surtout que ce travail pèse sur ce corps endolori par une maladie dont nous ne connaîtrons jamais le nom et que les spécialistes consultés tentent de guérir par des remèdes étranges (gelée acide, surveillance et filature par un vieillard surnommé Azur...). La narratrice a elle-même du mal à s'ancrer dans ce réel si difficile à appréhender. S'endormant souvent, rêvant d'ailleurs, dans la peau de personnages qu'elle ne connaît pas, parfois des traces de rêves perturbe l'éveil, et le lecteur se perd aussi dans ces histoire aux frontières floues. Il serait difficile de résumer ce roman tant il est à la fois foisonnant et impalpable. On sent l'influence d'Orwell et de Vian dans la construction de ce monde imaginaire: le côté "radio d'Etat" et "permis de déplacement" font penser à 1984 tandis que l'écriture poétique  et cette quête d'un bonheur qui semble fuir, rapprochent ce texte de L'écume des jours de Boris Vian.

   Un voyage parmi la galaxie de Marie Modiano qui laisse une impression étrange, un éclat dans le regard qui donne à la réalité un goût onirique.


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